LʼAmérique est sans doute le pays emblématique dʼun marché du travail sans filet de sécurité, où les 1% qui détiennent toutes les richesses ont un peu de mal à sʼimaginer ce quʼest la vie en bas de lʼéchelle sociale. La financiarisation de lʼéconomie, avec toutes les distorsions et les injustices qui lʼaccompagnent, a permis aux banques dʼexploiter une partie de la société par un crédit prédateur, transférant les risques sur les pauvres et le contribuable. Mais les banques nʼont pas aidé le risque, elles lʼont créé.
Mon film veut jeter un éclairage sur des hommes, victimes des dérives dʼun système, qui cherchent leur salut dans le Dakota du Nord. Pour sʼen sortir, certains tentent le tout pour le tout et ont lʼaudace dʼespérer un monde meilleur. Ils abandonnent tout pour aller chercher leur salut à Williston. Cʼest lʼhistoire de la ruée vers lʼor qui se répète.
Ce film est au cœur de la mondialisation, du travail en miette, du choix énergétique, dʼune douloureuse alternative dans un monde qui nʼa quʼune vision à focale réduite sur le profit au détriment de lʼavenir du monde. Double aventure qui mêle le quotidien des hommes soumis à une actualité brûlante. Une fresque épique ancrée dans la réalité dʼun monde qui place Williston à lʼépicentre dʼune crise internationale, dans des paysages meurtris par les machines et la main des hommes. Une métaphore de lʼimpasse dans laquelle nous nous débattons…
Williston nʼest pas seulement la ville oubliée par la récession : cʼest sans doute le seul endroit au monde où la demande dépasse lʼoffre. Elle est également le reflet dʼune autre réalité où partout ailleurs lʼéconomie va mal. Mais pour combien de temps encore ?
Cette prospérité retrouvée pose aussi, bien entendu, le problème des moyens, cʼest-à-dire du « fracking ». Pour ou contre le « fracking » ? Le problème dépasse la technique dʼexploitation. Il nous accule dans lʼimpasse où nous nous sommes mis, et de laquelle nous ne sommes pas prêts de sortir.
Pratiquement, tout ce que nous consommons est plus ou moins à base de pétrole. Lʼénergie pour produire : pétrole, lʼénergie pour transporter : pétrole, pour cultiver : pétrole… Pétrole, encore pétrole.
Le pétrole est un enjeu stratégique, tout est bon pour mettre la main dessus, y compris prétexter faire la guerre aux terroristes pour envahir des pays producteurs comme lʼIrak.
Le fracking gagnera du terrain partout où il y a du gaz et du pétrole de schiste, et tant quʼune alternative crédible ne sera pas mise en place à lʼéchelle mondiale.
Dans ce contexte, comment condamner ces hommes que lʼéconomie mondialisée libérale en place oblige à venir participer au massacre de la planète pour trouver du travail et leur survie ?
Le film nous éloigne des clichés pour nous plonger dans une Amérique rurale que nous connaissons mal. Il déroule les paysages de cette contrée inhospitalière, proche de la frontière canadienne. Lʼhiver, tout semble figé par l'air polaire qui, lorsqu'il souffle en rafales brusques et glacées, ensevelit tout sous la neige. Les routes défilent, pâles et monotones jusqu'à l'horizon, dérangées ça et là par une flamme dansante et solitaire au pied dʼune tour de forage ou par le martellement lancinant dʼune pompe.
Ces instruments de la toute dernière ruée vers l'or noir sont posés au beau milieu de plaines pelées que leurs propriétaires, de vieux cowboys éprouvés par le climat, ont souvent cessé de cultiver.
En toile de fond du film se dessine clairement un système économique qui cherche coûte que coûte à se survivre et avec lui, les forces directrices du marché qui nʼont quʼune vision à court terme, sans se préoccuper de lʼavenir de la planète.
Depuis toujours, les États-Unis se sont bâtis sur lʼidée que tout est possible et cela a donné naissance au fameux rêve américain. Le mythe sʼest transformé peu à peu en système. On se déplace là où le travail nous attend. Une crise succède à une autre, révèle une normalité dans laquelle des hommes finissent généralement par perdre leurs moyens dʼexistence en même temps que tout espoir. Un ordre des choses qui promène son cortège de gens humiliés et de vies fracassées.
L'espoir quʼa suscité le boom pétrolier dans le Dakota du Nord ne tenait quʼà un fil, le cours du baril, et ce dernier sʼest effondré du jour au lendemain, brisant ce dernier lambeau de rêve.
Palmer, Dan, Craig, Bradley, Jerry, Claire, Jeff et Constance seront-ils les victimes collatérales de la politique internationale et des marchés? Seront-ils, sans scrupule, sacrifiés sur lʼautel de la mondialisation et du profit, alors quʼils tentent de donner un nouveau sens à leur vie ?
« Lʼor noir, le nouveau rêve américain » met en scène des personnages confrontés à ce monde qui les dépasse mais dans lequel ils sont condamnés à avancer pour ne pas périr. Un monde qui sʼimagine sans doute, dans une vision à court terme, que les ressources de la planète sont extensibles à lʼinfini, quel quʼen soit le coût écologique, pourvu quʼelles continuent à faire tourner le moteur du système à plein régime. |